LETTRE D’IPIUTAQ (87)
de Aappilattoq à Ipiutaq (Sud Groenland)
du Mardi 26 Juin au Mercredi 4 Juillet 2018
Mardi 26 Juin, 10h30. Le carré est inondé de soleil au petit déjeuner pris sur le tard après une grasse mat’ pour récupérer de notre traversée. On dort quand même mieux quand le bateau est immobile avec des planchers horizontaux !
Un panorama magnifique formé de pics granitiques et de montagnes enneigées éclatantes de blancheur tranchant sur le ciel bleu s’offre à nos yeux. Dominant directement la petite calanque deux aiguilles de granite nous écrasent un peu avec leurs parois impressionnantes s’élançant verticalement de 1000 mètres dans le ciel.
Dans cette région les premières à faire en escalade de parois granitiques superbes
sont innombrables.
Une cascade à côté de notre mouillage tombe en plusieurs sauts dans l’eau. Alain, informé de l’existence de deux petits lacs l’alimentant au-dessus, gravira la pente raide et rocheuse avec sa canne à pêche. Il ramène de très belles photos mais il aurait été surprenant que ces lacs peu profonds, probablement entièrement gelés l’hiver, renferme des truites.
Autour de la rive et sur le promontoire qui ferme la calanque sont éparpillées une quarantaine de maisons et bâtiments colorés. Elles sont construites directement sur le granite usé par les glaciers, leur plancher surélevé par rapport au sol pour se trouver au-dessus de la neige l’hiver.
Des embarcations de pêche équipées de hors bord puissants viennent de temps à autre accoster un petit quai pour décharger leurs caisses de poisson, flétan et arctic char (sorte de truites de mer) pour l’essentiel. Un engin les emmène ensuite directement à côté dans un petit bâtiment de conditionnement du poisson de la Royal Arctic Company, la compagnie danoise qui détient un quasi monopole du traitement et de l’expédition des pêches du Groenland.
Cette petite communauté Kalaalit d’une centaine de personnes (pour eux les Inuits sont leurs ancêtres dont ils sont fiers) semble vivre tranquillement sa vie dans ce coin perdu, loin des affaires du monde. Les femmes et les hommes que nous rencontrons, aux yeux fendus et aux pommettes saillantes, de petite taille pour la plupart, sont aimables avec nous et très détendus ; les gamins jouent comme tous les gamins du monde. Le stress semble être un mot inconnu ici. Ils semblent vivre honnêtement du produit de leur pêche.
L’église Luthérienne construite en bois, est remarquablement entretenue. Largement éclairée par de nombreuses fenêtres laissant entrer le soleil, d’une propreté impeccable, repeinte de frais en blanc avec des liserés bleu-vert, elle est gaie et pimpante. Des bougies neuves et hautes posées sur des candélabres au cuivre bien astiqué, fixés à l’extrémité de chaque banc forme une double rangée le long de l’allée centrale menant à l’autel. Un harmonium traditionnel, un autre électronique sont là prêts à accompagner les chants et les prières. A côté l’école dispense ses cours avec un programme d’éducation nationale produisant, parait-il, de bons résultats. En rentrant au bateau par un petit chemin zigzaguant au milieu des roches de granite nous sommes discrètement salués par un homme dans sa trentaine. Nous bavardons avec lui puisqu’il parle assez bien l’anglais, ce qui n’est pas répandu ici. Il est professeur de sciences de la vie et de la terre à cette école. Son père nous rejoint, homme fort sympathique, les yeux fendus perçant un visage très buriné et jovial, Son fils nous explique qu’il est pêcheur mais c’est aussi lui qui accompagne les chants à l’harmonium de l’église. D’ailleurs pendant que nous bavardons il sort spontanément de la poche de son pantalon un harmonica et nous joue un petit air. Nous expliquant avec l’aide de son fils qu’il s’appelle d’un nom incompréhensible par nous qui veut dire little son, je prends le petit garçon dans mes bras. M’arrivant à hauteur de la poitrine il éclate de rire.
J’invite l’équipage de Kiwi Roa à partager à bord de Balthazar l’happy hour comme l’appelle les britanniques, ce moment de détente et convivialité à partir de 17h30 habituellement.
Autour de Ti’punch, whisky et gin tonic accompagnés de zakouskis préparés par Marie Laurence Peter nous raconte leur aventure à la weather station, à l’entrée du Prince Christan Sund. S’étant réveillés pris dans une souricière formée par un énorme growler, limite petit iceberg, venu pendant la nuit s’échouer là en bloquant la sortie de l’étroite calanque il cherche après avoir attendu la marée haute de l’après-midi à faire riper et pivoter la bête. A l’extrémité du petit quai il pousse avec toute son énergie avec sa poitrine son très long tube (près de 4 mètres) emmené dans ce but. Le résultat ne s’est pas fait attendre : le tube ripe sur la glace et voilà Peter piquant une tête dans l’eau glaciale. Voilà qui conforte mon idée que la force humaine n’est pas à la hauteur pour repousser des growlers qui font rapidement 10 à 20 tonnes, l’essentiel étant sous l’eau et ma décision de ne pas m’embarrasser de ces longues piques encombrantes. Si les growlers sont plus petits les 26 tonnes de Balthazar poussés par le Perkins de 135CV s’en débrouillent seuls sans l’aide de ma force naine. Une plaque d’inox recouvre l’étrave de Balthazar pour la préserver.
Mais le septuagénaire est un dur à cuire. Il chauffe rarement le bateau et prend sa douche glaciale dans le cockpit par 4 à 5°. C’est une éthique spartiate que sa compagne, vive et parlant assez bien français, semble partager mais que Mike, leur jeune et sympathique équipier également néo-zélandais mais vivant aux Pays-Bas semble moins apprécier. Il ne tarit pas d’éloges avec envie sur le chauffage, l’ambiance cosy et douillette du carré de Balthazar en dégustant le Sipsmith, excellent gin ramené l’an dernier d’Ecosse, que nous lui avons servi et en faisant honneur à la viande séchée ainsi qu’aux œufs de cabillaud servis sur des petits carrés de pain d’Islande tellement mince qu’il ressemble à des crêpes. Mais c’est de la pâte à pain.
Tiens quelques coups sourds dans la coque. Un growler de deux bons mètres dans les 3 dimensions, soit quelques tonnes de glace, s’est invité dans la calanque et est retenu, près de la coque, par le filin que les pêcheurs tirent en travers dans ce but pour protéger leurs petits bateaux. Nous réussissons tout juste à le libérer en sortant avec la longue gaffe le filin tapi sous l’eau et en le faisant avec peine passer au-dessus ; il ira s’échouer doucement poussé par le vent sur les blocs de granite du terre-plein sans menacer les bateaux des pêcheurs.
Tandis que nous devisons gaiement le vent s’est levé et souffle maintenant en rafales.
J’étais en train d’expliquer à Peter que, bien que Balthazar soit équipé d’une ancre remarquable (la Rocna que Peter a conçue et qui apprécie le compliment) je n’étais pas tranquille car je n’avais pu mouiller que 25m de chaîne lors de notre arrivée nocturne pour ne pas risquer d’embrouiller nos chaînes respectives. Acceptable pour des vents d’une quinzaine ou vingtaine de nœuds avec des rafales modérées je n’étais pas paré pour des rafales fortes. Tiens ! à travers le hublot du carré je vois l’annexe (non encore équipée de son moteur) attachée à couple voler à un bon mètre au-dessus de l’eau et sur l’écran digital XXL du carré qui me sert précisément, au mouillage à surveiller le vent et la profondeur je vois des rafales brusques à une trentaine de nœuds et plus. Les lois de la physique sont implacables et l’ancre dérape (comme le montre parfaitement mon simulateur de mouillage avec ce ratio hauteur du davier sur profondeur insuffisant). A mettre immédiatement le moteur et le propulseur d’étrave en route. Mais je ne peux pas encore les utiliser car, tel un vulgaire growler, Balthazar a ses safrans et donc sa poupe prise dans le fameux filin qui en prime à des bouts sur lesquels les petits bateaux s’amarrent. Ce n’est pas le moment de faire un suraccident en prenant un bout dans l’hélice immobilisant le moteur. Situation plutôt inconfortable…. Rapidement mes deux longues aussières (100m chacune) de l’Antarctique sont dévidées de leur rouleau et portées avec l’annexe au petit quai de déchargement qui se trouve au vent de la poupe. Avec le puissant winch électrique je ramène mètre par mètre la poupe vers ce petit quai en la dégageant de 5m environ du filin car il faudra qu’elle ait la place de tourner quand je mettrai la marche avant. En marche avant maintenant Balthazar qui était travers au vent décrit un arc de cercle dont les rayons sont les amarres avant et arrière qui le forcent à tourner. Revenus à peu près bout au vent, à larguer les amarres que je détends, l’avant avec le propulseur d’étrave, l’arrière avec un coup de fouet rapide dans le safran braqué (celui que j’ai fait rajouter dans ce but, car les deux principaux trop écartés auraient laissé passer le jet avec indifférence). Ouf Balthazar est sorti de ce traquenard sans dommages. Bravo Alain et Bruno, super équipiers qui ont fait un brillant travail de lamaneur dans des conditions plutôt acrobatiques et merci à Peter et Mike qui ont aussi très bien réagi étant à bord alors que mes équipiers étaient en annexe ou laissés maintenant sur le quai.. ce coup ci je dépasse Kiwi Roa avec une distance suffisante pour dérouler les 50 mètres de chaîne nécessaire pour tenir en sécurité par fonds de 10m ces vents rafaleux. Bien entendu le vent se calme ensuite, apparemment satisfait de la tenue de mon mouillage. Sacré Eole ! Les Grecs avaient raison de le décrire capricieux, malicieux et coléreux. J’aurais mieux fait en arrivant cette nuit de mouiller plus vers la sortie de la calanque en respectant les bonnes pratiques, mais dans l’obscurité j’appréciais mal les distances et je n’étais pas sûr d’avoir la place pour éviter. D’ailleurs c’est effectivement très juste.
Après le départ de l’équipage de Kiwi Roa et le retour difficile à la rame contre le vent de l’équipage de Balthazar Marie Laurence nous remet de nos efforts et de nos émotions avec une excellente soupe de butter nuts (sorte de potimarron).
On se demande pourquoi la première chose faite par Alain et Bruno le lendemain matin est de brêler le moteur, sorti de sa chaise dans le coffre arrière bâbord, sur le tableau arrière de l’annexe…..Il y restera maintenant, avec l’annexe suspendue aux bossoirs, jusqu’en Alaska, sauf gros temps annoncé qui me conduirait à dégonfler et plier le zodiac. Je n’aime pas naviguer en effet dans ces conditions avec cet énorme fardage à l’arrière d’autant plus qu’une grosse déferlante pourrait arracher le zodiac.
Mercredi 27 Juin. 7h30, à déraper l’ancre par un soleil toujours radieux.
Un panorama absolument magnifique d’aiguilles et de glaciers défile sous nos yeux alors que nous parcourons le fjord qui nous conduit à la mer sur la côte SW du Groenland. Nous rencontrons à la sortie de nombreux et très gros icebergs, beaucoup échoués sur les hauts fonds ou contre les îles qui occupent son débouché. Cap au NW maintenant pour rejoindre le petit port de pêche de Nanortalik (qui signifie l’endroit des ours polaires) réunissant environ 1500 habitants.
Comme dans tous ces petits ports groenlandais absolument rien n’est prévu pour les rares voiliers de passage et il faut se débrouiller pour accoster ou rester au mouillage. Kiwi Roa que nous retrouvons là est au mouillage. Nous avisons devant les bâtiments de la Royal Arctic Line, à côté d’un court quai en palplanches auquel est accosté en le débordant largement un porte-conteneur de cette compagnie, celui qui nous avais doublé au large il y a deux heures, un ponton correct étonnamment libre juste de la longueur qui faut pour Balthazar. Les amarres à peine tournées une robuste femme inuit, souriante, nous indique que nous ne pouvons pas rester à cette place réservée à la compagnie ; elle accepte cependant, à ma demande, que nous y restions le temps de déjeuner et nous explique aimablement que le porte conteneurs va appareiller à 17h et que nous pourrons pour la nuit prendre sa place.
Après le déjeuner nous avisons un peu plus loin un tout petit ponton où les petits bateaux vont faire le plein d’essence ou de gasoil. Dans ce pays il faut saisir de telles opportunités exceptionnelles de pouvoir faire le plein avec un tuyau ; le transport de jerry cans en annexe et à pied est plutôt la norme. Plein fait à ras bord alors que les fichiers météo nous annoncent des vents violents en soirée et cette nuit. Mais nous serons bien tenus sous le vent du quai lorsque le porte-conteneur l’aura libéré. Et bien, wallou ! Nous apprenons que le porte-conteneur a un problème avec l’une de ses bigues et que le déchargement des conteneurs est retardé. Il va falloir trouver une autre solution. Nous avisons alors sur l’autre rive de la petite baie, proche du village, un petit quai rectangulaire de palplanches qu’une barge vient de libérer. Nous voilà solidement amarré sur le flanc Nord de ce bout de quai, bien reculé pour ne pas dépasser au cas où celle-ci reviendrait, paré pour le coup de vent.
Finalement l’emplacement est très bon, à quelques pas du centre de Nanortalik. Devant nous un grand Pilersuisoq, sorte de supermarché avec un hangar contenant le gros matériel (appareils ménagers, échelles…), parfait pour acheter cinq gros bidons de 20L qui nous serviront à ravitailler avec le zodiac du gasoil dans les quelques rares stations (Pond inlet, Resolute Bay, Gjoa Haven, Tuktoyaktuk) du passage du NW. Typiquement cinq rotations nous permettront de charger 500L de gasoil dans notre réservoir de 1300L. Il faudra compléter plus loin avec l’achat de quelques bidons pour ravitailler en eau si le dessalinisateur nous jouait des tours.
Plus loin un Pisiffik est un supermarché plus courant où on trouve de tout, y compris de beaux poivrons, sauf malheureusement pas d’aubergines pour faire une ratatouille. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que le capitaine en profite pour embarquer un gigot supplémentaire, un rôti de bœuf et quelques steaks congelés.
En attendant un danois obèse, fort sympathique, accepte de venir en bleu de chauffe et T shirt après la fin de son service nous livrer sur le petit quai de l’eau avec son camion, tâche qu’il fait couramment pour les maisons qui n’ont pas toutes l’eau courante. Nous embarquons 900L ; à notre surprise, le gaillard débonnaire nous indique gentiment que c’est gratuit. Merci municipalité de Nanortalik qui probablement le rémunère. Dans un pays où l’avitaillement en eau et gasoil est aléatoire nous apprécions d’avoir les pleins faits avec autant de facilité. Naviguer au Groenland c’est la débrouille et il faut sans hésiter saisir les opportunités pour stocker et maintenir son niveau d’autonomie.
Badaboum ! boum ! J’accours de ma cabine pour retrouver Marie-Laurence la tête en bas sur la marche de la cuisine en coursive, suffoquant, la respiration coupée. Elle vient de débarouler la descente et de heurter fortement avec ses côtes la table du carré. Reprenant progressivement son souffle et ses esprits elle souffre d’une forte contusion et peut-être d’une côte fêlée ou cassée. Le lourd capot étanche fermant en oblique la descente l’a déséquilibrée au moment où elle le refermait. Heureusement qu’elle était chaudement habillée et que l’épaisseur des vêtements l’ont un peu protégée d’une blessure plus grave. Solide et courageuse elle grimpe le lendemain l’échelle verticale donnant, à marée basse, accès au quai, assurée par le baudrier d’escalade du bateau, pour se rendre avec Alain à l’hôpital. Elle y est accueillie par une infirmière danoise aimable qui ne confirme pas une côte cassée bien qu’elle ne soit pas à ce moment là en mesure de faire une radio. Analgésiques et anti-inflammatoires la soulage mais elle va garder pendant plusieurs jours, peut-être quelques semaines, un point exquis qui, par moments, la fait brièvement souffrir d’une douleur intense. Là aussi, consultation à l’hôpital et médicaments sont gratuits ce qui n’est pas courant de par ce bas monde. Le Groenland semble avoir hérité des Danois un solide système social et communautaire.
Pendant ce temps Bruno et moi allons faire une visite du village. Les maisons colorées en bois s’espacent le long de la route principale sur laquelle circulent quelques pick up ou voitures. Il n’y a pas de routes au Groenland, pays de montagnes granitiques sans plaines où le coût au kilomètre des routes serait exorbitant. On s’y déplace essentiellement par bateaux ou par hélicoptères et, l’hiver par traîneaux ou voitures sur la mer gelée. Les routes limitées aux villages importants excèdent rarement deux kilomètres et servent essentiellement à transporter du port où tout arrive ou de l’héliport personnes et marchandises vers les magasins, dépôts ou habitations.
L’église de Nanortalik ne manque pas de caractère ; construite en bois, toute blanche, avec un clocher relativement haut, précédé d’une entrée assez grande pour servir de sas d’accueil, et suivi de la nef. Elle aussi est largement éclairée par de nombreuses fenêtres. Sur le bord de sa porte un Inuit aux yeux bien fendus nous salue en souriant. Fier d’exhiber sur son blouson le badge personnifiant les éleveurs de moutons il nous indique dans un anglais approximatif qu’il est à sa retraite gardien du musée du village. De l’église la route redescend et se termine dans une petite anse où se blottissent, dans très peu d’eau, les petites embarcations de pêche. Là aussi un filin ferme l’anse en empêchant les growlers d’y pénétrer. Immergé d’environ un mètre, dans une passe étroite entre deux bouées, les embarcations passent par-dessus alors que les growlers omniprésents mais à fort tirant d’eau, sont stoppés.
Les petites maisons anciennes des premiers habitants entourent cette petite anse et sont maintenant transformées en un musée intéressant donnant une bonne idée de la vie des anciens. Un hangar notamment y expose des kayaks et Umiaqs. Dans une lettre de Balthazar (lire les lettres de Balthazar du Groenland de Juin 2012) je décris avec quel art tout à fait remarquable étaient construites ces embarcations efficaces.
Au centre du village une maison dotée de nombreuses fenêtres abrite une boutique tenant lieu d’office du tourisme. Le danois grisonnant qui la tient depuis plusieurs dizaines d’années est complètement intégré. Marié à une Inuit ses enfants sont répartis en Europe et en Asie. Bon représentant de notre village global il vit là en vendant aux rares touristes (le gros provenant des quelques bateaux de croisière visitant le Groenland et s’arrêtant à Nanortalik) des cartes, livres ou petits objets locaux, ainsi que du temps de WiFi. Pour moi je complète ma collection de moques en céramique qui permettent pendant le quart de boire un thé ou café bien chaud remplaçant avantageusement les vieilles moques fendues en plastique datant de Marines. Deux belles moques des Shetlands représentant l’une les zones météo des eaux européennes, l’autre les différents états de la mer et forces Beaufort du vent, une d’Islande représentant une belle collection de mammifères marins ; celle-ci aux couleurs du Groenland retraçant sa géographie, et montrant un bœuf musqué et un ours polaire. Que sera la cinquième ? des grizzlis et saumons d’Alaska ?
Déjeuner au bateau avec, à midi, un bon gigot aillé cuit au four par le capitaine et agrémenté de pommes sautées préparées par la courageuse Marie-Laurence.
Le soir Alain nous fera un riz pilaf enrichi à la mode cantonnaise de petits morceaux de viande, d’omelette et de crevettes. Comme vous voyez aux escales l’équipage se soigne. A notre surprise nous trouvons ici un excellent pain de campagne qui se conserve très bien.
Le coup de vent attendu n’est pas venu mais une journée pluvieuse aura marqué notre escale.
Vendredi 30 Juin. Lever à 4h30, appareillage à 5h30. Balthazar quitte Nanortalik de bonne heure par un temps couvert pour parcourir une longue étape de 75 milles le long de la côte bordée d’îles, îlots et récifs qui nous emmène à Qaqortoq blotti au sein des fjords du Sud Ouest du Groenland. Nous trouvons au large sécurité et grand soleil mais une petite brise exactement vent de bout sur notre route. Après avoir tiré des bords aplatis par un courant contraire pendant plusieurs heures au milieu de quelques gros icebergs l’étape est couverte pour plus de la moitié au moteur. Arrivée vers 17h par un temps magnifique dans le port de Qaqortoq que les baleiniers et Danois appelaient Julianhab. Nous trouvons un endroit assez pratique où accoster dans ce port rempli de bateaux locaux, à la racine du nouveau quai des porte-conteneurs.
Bien abritée du vent et exposée sur des collines au soleil un parfum d’été flotte dans la plus grosse agglomération (3200 habitants) du Sud Ouest du Groenland. Petite ville attractive, ses maisons sont parfaitement entretenues, soignées voire cossues pour certaines. Il y règne ce soir une atmosphère agréable. Pour la première fois nous voyons des personnes âgées prenant le soleil devant leur maison ainsi que quelques petits arbres plantés alors que les pissenlits sont en fleurs.
Alain et Marie-Laurence se rendent à l’hôpital pour essayer sans succès de passer une radio. L’infirmière danoise qui les accueille est également souriante et confirme le premier examen mais sans se prononcer sur une fracture éventuelle. De toute manière il n’y a pas grand-chose à faire pour ce genre de blessure et Marie-Laurence commence à bien contrôler ses mouvements pour éviter les postures douloureuses tout en demeurant très active.
Le lendemain le temps est passé à la pluie. A 7h Balthazar appareille pour se faufiler entre les îles et dans les fjords pour atteindre à onze heures le petit port de Narsaq.
Accostage délicat à l’extérieur d’un quai/digue abri alors que l’intérieur du port est bondé. Le capitaine maladroit fait une bugne au balcon arrière de Balthazar puis vient effleurer avec l’étai avant la flèche d’une petite grue que personne n’avait vu et qui a pivoté entre temps pour se mettre dans le lit du vent. A marée descendante Alain et Bruno font de l’escalade pour rembarquer après avoir installé les amarres et se laissent descendre sur le bateau en se servant des haubans. Déjeuner tranquille à bord après qu’Alain soit allé acheter de l’excellent pain de campagne.
Balthazar repart dans le brouillard alors que la pluie a cessé. Au radar et à la vue proche nous esquivons les nombreux icebergs et growlers du fjord dans lequel les glaciers descendant de l’inlandsis les déversent. Voilà derrière un petit groupe de trois îles les bâtiments, deux maisons bleues en bois et une grosse bergerie blanche, de la ferme maison d’hôtes d’Ipiutaq. Mouilles ! L’ancre jaillit de son davier par onze mètres de fond. Sur une avancée rocheuse entre deux petites plages de galets Agathe, prévenue par la VHF, est là qui nous attend avec Kalista, son mari Inuit et leur fille Ina ainsi qu’ Etienne, étudiant à l’agro de Clermont-Ferrand, venu faire là un stage agricole. Jean-Jacques et Anne (Auffret) ainsi que Nicole (Delaître) sont là qui nous hèlent, arrivant pratiquement simultanément en vedette rapide de l’aéroport voisin de Narsasuaq, blotti au fond du fjord, prêts à prendre la relève de l’équipage.
aux équipier(e)s, parents et ami(e)s qui ont la gentillesse de s’intéresser à nos aventures marines.
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équipage de Balthazar: F. Jean-Pierre d’Allest, Alain et Marie-Laurence Content, Bruno Thomé